
Parmi les nombreux outils de connaissance de soi mobilisés en accompagnement thérapeutique, l’Ennéagramme occupe une place particulière. Ce modèle ancien, structuré autour de neuf types de personnalité, suscite un intérêt croissant comme outil thérapeutique, notamment en complément des approches TCC (Thérapies Cognitives et Comportementales).
Origines et apports contemporains
Le mot Ennéagramme vient du grec ancien (ennea : neuf et gramma : figure) fait référence au diagramme à 9 branches qui représente les types de personnalité dans ce modèle.
L’Ennéagramme s’inspire de traditions méditatives et contemplatives du Moyen-Orient, puis a été progressivement revisité à la lumière des sciences humaines modernes. Le psychiatre David Daniels, alors professeur à Stanford University, a contribué à structurer et diffuser un test de repérage de type — le Stanford Enneagram Discovery Inventory — dans une visée de développement personnel, d’exploration identitaire et de compréhension des dynamiques émotionnelles.
Son approche a permis à certains praticiens d’intégrer l’Ennéagramme dans des méthodes d’accompagnement thérapeutique, notamment lorsqu’il s’agit de relier l’expérience émotionnelle à des schémas de fonctionnement internes.

Ennéagramme et TCC : deux approches complémentaires
Les TCC s’appuient sur des modèles expérimentaux validés, et sur des protocoles d’intervention fondés sur des observations cliniques rigoureuses. L’objectif est de comprendre comment les pensées, les émotions et les comportements interagissent pour entretenir une souffrance psychologique.

L’Ennéagramme, bien qu’extérieure à cette lignée méthodologique, propose un cadre utile pour explorer les logiques émotionnelles dominantes et les stratégies d’adaptation. Il met en évidence trois émotions fondamentales (colère, tristesse, peur), chacune étant gérée selon des modalités spécifiques : refoulement, débordement ou retournement contre soi. A partir de ces deux triades se dessinent les neufs types de personnalités de l’Ennéagramme, avec des croyances structurantes et un rapport spécifique aux émotions. Pour aller plus loin, 3 sous-types définissent des variantes particulières du type.
L’enéagramme dans une démarche thérapeutique
Au sein du cabinet Sérénité & Changement, j’utilise l’Ennéagramme comme outil de clarification et de mise en sens dans les premières étapes de l’accompagnement. Après une anamnèse structurée, je formule plusieurs hypothèses de type Ennéagramme sur la base du discours émotionnel, des motivations exprimées et des réactions face à la difficulté.
Plutôt que de « typologiser » trop tôt, je partage certaines caractéristiques de fonctionnement avec mes clients pour voir s’ils se reconnaissent dans une dynamique. Cela permet :
- de mettre des mots sur l’expérience interne, souvent difficile à verbaliser
- de soutenir la régulation émotionnelle en aidant la personne à comprendre les boucles qu’elle entretient
- de proposer des objectifs thérapeutiques plus incarnés
L’Ennéagramme vient alors structurer l’exploration de soi, sans imposer de modèle. Il oriente ensuite le choix des outils issus des TCC — qu’ils soient comportementaux, cognitifs, émotionnels ou motivationnels.
Par exemple :

- un profil 3 (orienté performance) vient en thérapie avec une volonté d’avancer très concrète et est prêt s’investir dans le travail personnel entre les séances
- avec un profil 9 (oubli de soi), les exercices d’affirmation de soi seront centraux
- un profil 7 (fuite de l’inconfort) a souvent développé une grande intelligence et sera très réceptif à une psychoéducation ciblée sur les processus émotionnels

Dans cette approche, l’Ennéagramme n’est ni un test à passer ni une étiquette à porter, mais une boussole de navigation psychologique, utilisée avec souplesse et toujours en lien avec la demande de la personne.
Les 9 types de l’Ennéagramme : une carte des sensibilités émotionnelles
Type | Émotion dominante | Stratégie d’adaptation |
---|---|---|
1 – Le perfectionniste | Colère | Colère tournée contre soi, rigidité morale |
2 – L’altruiste | Tristesse | Don excessif, besoin d’être aimé |
3 – Le battant | Tristesse | Refoulement, performance, efficacité |
4 – L’individualiste | Tristesse | Débordement émotionnel, quête d’authenticité |
5 – L’observateur | Peur | Retrait mental, peur de l’intrusion émotionnelle |
6 – Le loyal | Peur | Hypervigilance, besoin de sécurité |
7 – L’épicurien | Peur | Refoulement, fuite dans le plaisir |
8 – Le protecteur | Colère | Débordement, besoin de contrôle |
9 – Le médiateur | Colère | Refoulement, évitement du conflit, oubli de soi |
Les chemins d’évolution : une dynamique intérieure propre à chaque type

Au-delà de la simple description des types, l’Ennéagramme propose une lecture dynamique de la personnalité, en identifiant pour chaque profil un chemin d’évolution (vers un type dit “ressource”) et un chemin de régression (vers un type activé en situation de stress ou de déséquilibre). Ces directions ne sont pas des diagnostics figés mais des orientations symboliques : elles offrent un repère précieux pour comprendre comment une personne réagit face à la pression, et quels traits elle peut développer en cheminant vers plus de maturité émotionnelle.
Par exemple, un type 1 (le Perfectionniste) peut tendre vers le type 7 (l’Epicurien) lorsqu’il se libère de son exigence rigide, retrouvant légèreté et spontanéité ; à l’inverse, en situation de tension, il peut adopter les rigidités défensives du type 4 (Le Romantique), avec repli et autocritique exacerbée. Cette logique d’évolution et de régression peut être mobilisée en TCC pour ajuster les objectifs thérapeutiques, anticiper les phases de résistance ou de stagnation, et soutenir des pistes d’accompagnement réalistes, motivantes et personnalisées.

Voici un tableau synthétique présentant pour chacun des 9 types de l’Ennéagramme :
- Le type de base
- Le chemin d’évolution (flèche vers un type ressource en situation d’équilibre)
- Le chemin de régression (flèche vers un type de stress ou de déséquilibre)
- Un indicateur thérapeutique utile pour la TCC

Dans cette figure, les flèches indiquent les chemins d’évolution.
Type de base | Flèche d’évolution (ressource) | Flèche de régression (stress) | Indicateur thérapeutique en TCC |
---|---|---|---|
1 – Le perfectionniste | Va vers le 7 : lâcher-prise, spontanéité | Va vers le 4 : mélancolie, autocritique | Travailler la flexibilité cognitive, l’autocompassion |
2 – L’altruiste | Va vers le 4 : recentrage sur soi, authenticité | Va vers le 8 : contrôle, agressivité | Renforcer les limites personnelles, explorer les besoins non exprimés |
3 – Le battant | Va vers le 6 : loyauté, humilité, coopération | Va vers le 9 : inertie, évitement | Travailler l’acceptation émotionnelle, ralentir le rythme |
4 – Le Romantique | Va vers le 1 : structure, éthique, rigueur | Va vers le 2 : fusion, besoin d’être aimé | Travailler la régulation émotionnelle, clarification des valeurs |
5 – L’observateur | Va vers le 8 : prise d’espace, action, puissance | Va vers le 7 : dispersion, fuite dans l’activité mentale | Ramener l’expérience dans le corps, réguler l’évitement émotionnel |
6 – Le loyal | Va vers le 9 : paix intérieure, confiance, calme | Va vers le 3 : surinvestissement, agitation | Travailler l’intolérance à l’incertitude, renforcer l’estime de soi |
7 – L’épicurien | Va vers le 5 : recentrage, approfondissement, clarté | Va vers le 1 : rigidité, jugement intérieur | Soutenir l’exposition à l’inconfort, intégrer la lenteur |
8 – Le protecteur | Va vers le 2 : écoute, vulnérabilité, bienveillance | Va vers le 5 : isolement, suspicion | Travailler l’auto-régulation, reconnaître les limites |
9 – Le médiateur | Va vers le 3 : affirmation, efficacité, expression | Va vers le 6 : doute, anxiété, paralysie | Encourager l’affirmation de soi, mobiliser l’énergie d’action |
Usage en TCC
Ce tableau peut être utilisé pour :
- Repérer les mouvements internes du client (expansion, contraction, fuite, compensation)
- Anticiper les phases de blocage ou de croissance
- Adapter la stratégie thérapeutique (exposition, restructuration cognitive, travail émotionnel, valeurs, etc.)
Application clinique : pistes d’usage en TCC
Dans une approche TCC enrichie, le modèle peut permettre :
- de repérer plus rapidement les schémas cognitifs et émotionnels dominants
- de donner du sens aux résistances observées
- d’individualiser les protocoles TCC, en fonction du rapport spécifique du client à ses émotions
Un type 6, par exemple, exprimera une forte intolérance à l’incertitude, ce qui renforce la pertinence d’un travail d’exposition progressive aux situations anxiogènes.
Ou encore, un type 4 aura tendance à dramatiser en se laissant déborder par ses émotions, et le thérapeute devra faire un tri entre les émotions superficielles et celles que la personne vit profondément.

Précautions et posture du praticien
L’Ennéagramme n’est pas un outil validé au sens strict des TCC. Il s’agit d’un repère clinique exploratoire, et non d’un instrument de mesure. Il doit être utilisé :
- avec prudence,
- sans forcer l’identification à un type,
- et toujours dans un dialogue ouvert avec la personne.
L’analyse fonctionnelle comportementale, la clarification de la demande et les objectifs mesurables restent les fondations de l’accompagnement.
Conclusion
Dans le cadre d’un accompagnement TCC souple et centré sur la personne, l’Ennéagramme peut enrichir la compréhension du vécu émotionnel, soutenir le travail d’identification des schémas, et renforcer l’alliance thérapeutique. L’approche du cabinet Sérénité & Changement montre comment il est possible de l’articuler avec rigueur et bienveillance, en cohérence avec les objectifs d’un accompagnement structuré, développant l’autonomie et la connaissance de soi.
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